Une année au cours de laquelle les nouvelles règles devraient être appliquées pour la première fois
A l’aube de l’année 2025, pour les contribuables, les comptables et les fiscalistes commence la rétrospective de l'année 2024 écoulée. Outre la clôture des comptes annuels et la préparation des déclarations fiscales relatives à l'impôt des personnes physiques, à l'impôt des personnes morales et à l'impôt des sociétés, la taxe annuelle sur les comptes de titres implique également une déclaration annuelle pour de nombreux contribuables depuis plusieurs années.
Au début de l'année 2021, la nouvelle taxe sur les titres a été introduite dans le Code des droits et taxes divers (CDTD). La TACT est calculée en prenant - par compte-titres - la valeur des titres aux moments de référence définis (en principe 31/12, 31/03, 30/06 et 30/09) et en divisant ce montant par le nombre de moments de référence durant lesquels le compte-titres a existé. A cela s'applique (en l'état actuel des règles) le taux de 0,15 %. En outre, la loi prévoit que la TACT est également due sur les comptes-titres détenus par l'intermédiaire de constructions juridiques, ceci en définissant le concept de titulaire de compte-titres comme « le(s) détenteur(s) du compte-titres y compris le(s) fondateur(s) de constructions juridiques, constructions filiales, constructions mères et constructions en chaîne dans le cadre desquelles le compte est détenu ». Ceci ne s'applique donc qu'aux contribuables soumis à l'impôt des personnes physiques et à l'impôt des personnes morales. En effet, les règles relatives aux constructions juridiques (taxe Caïman) ne s'appliquent pas aux autres contribuables.
Il est important de noter que la loi du 22 décembre 2023 a réformé les règles relatives à la taxe Caïman. Nous avons déjà abordé cette question dans notre newsletter du 21 mars 2024 . [1]Aujourd'hui, nous nous concentrons sur la question de l'impact de l'élargissement de la disposition relative aux fonds dédiés sur la TACT.
Pour mémoire, nous soulevons également une autre question, que nous n'aborderons pas plus en détails pour l'instant. Désormais, la taxe Caïman s'applique également aux constructions juridiques détenues indirectement par l'intermédiaire d'une entité qui n'est pas elle-même une construction juridique (par exemple, par l'intermédiaire d'une société belge). La question se pose ici de savoir si l'extension de la taxe Caïman aux constructions juridiques détenues indirectement s'étend également à la TACT.
Concept de construction juridique et d'OPC
Les nouvelles règles prévoient que les OPC publics, institutionnels et privés ne sont soumis à l'application de la taxe Caïman que s'ils sont des fonds dédiés (dotés de la personnalité juridique) ou des compartiments de fonds dédiés. Selon le texte juridique en vigueur depuis 2024, cela s'applique également aux fonds situés en dehors de l'EEE, à condition qu'ils puissent être assimilés à un fonds AIF.
En outre, les nouvelles règles fiscales relatives à la taxe Caïman prévoient un élargissement de l'application de celle-ci aux OPC par le biais de la définition élargie des fonds dédiés. En effet, dorénavant, une détention d'actions par des personnes liées qui détiennent ensemble plus de 50 % conduira à une qualification de compartiment de fonds dédié, entraînant l'application de la taxe Caïman. Avec cette nouvelle disposition, un compartiment sera également soumis à la taxe Caïman si, par exemple, 51 % des actions sont détenues par une famille (membres de la famille jusqu'au quatrième degré), même si 49 % des actions sont détenues par des "tiers" non apparentés. Ce n'était pas le cas auparavant.
Ce qui est important ici, c'est que le ministre des Finances semble supposer que la taxe Caïman s'appliquera également à l'« actionnaire minoritaire » s'il est résident belge ou soumis à l'impôt des personnes morales belges. C'est ce qui ressort de la lecture conjointe de la question parlementaire n° 1865 du 18 janvier 2024 posée par M. Van der Donckt et de la réponse du ministre des Finances du 27 février.
Il est important de noter qu'aucune distinction n'est apparemment faite entre, d'une part, la famille qui contrôle la SICAV et, d'autre part, un « actionnaire tiers pur et simple » qui n'exerce aucun contrôle.
Imputation proportionnelle ou non d'un compte-titres détenu par le biais d'une construction juridique
Si une société étrangère qualifiée de construction juridique a plusieurs actionnaires, la question se pose de savoir comment l'attribution doit être faite à l'actionnaire (belge) (« fondateur » ). Strictement parlant, le CDTD ne fait pas référence à l'article 5/1 du CIR et donc pas à la règle d'attribution au prorata de la taxe Caïman. Néanmoins, à notre avis, il existe de bons arguments permettant de soutenir que la règle du prorata de l'article 5/1, §1, alinéa 5 du CIR a un effet à cet égard sur la TACT. Ceci a pour résultat que la valeur des comptes titres étrangers détenus par des constructions juridiques ne peut être attribuée au fondateur qu'au prorata de sa participation per analogiam (pour la détermination de la base imposable de la TACT)". A notre avis, cette approche découle du fait que le législateur fiscal a repris les notions de « fondateur » et de « construction juridique » en se référant explicitement aux dispositions légales du CIR. Dans ce contexte, il convient également de mentionner que l'exposé des motifs de la loi du 17 février 2021 soulignait très clairement l'application "parallèle" de l'article 5/1 du CIR (Parl.St., n° 55-1708/001, 12-13) en ce qui concerne la TACT, bien que cela ne ressorte pas de la loi elle-même.
Malheureusement, nous avons appris à la mi-2024 que le SPF Finances ne partageait apparemment pas notre point de vue à cet égard. En d'autres termes, il n'y a pas de règle de prorata, et le (seul) actionnaire minoritaire belge doit payer la TACT sur le montant total des comptes-titres (de plus d'un million d'euros) détenus par les constructions juridiques. Dans de telles circonstances, investir dans un fonds étranger devient risqué. L'examen préalable de la structure de l'actionnariat du fonds avant d’investir n'est donc pas un luxe inutile si l'on veut éviter des problèmes fiscaux et/ou des problèmes de conformité à l'avenir.
Un ensemble de règles kafkaïennes
La loi du 22 décembre 2023 a réformé en profondeur les règles relatives à la taxe Caïman. Les investisseurs qui investissent dans des fonds ont tout intérêt à mesurer l'impact des nouvelles règles sur leurs investissements, y compris en ce qui concerne l’application de la TACT.
Il faudra donc veiller à collecter toutes les informations à temps pour se conformer aux obligations fiscales dans la mesure du possible. On peut s'attendre à ce que de nombreux contribuables qui ne sont que des participants minoritaires "tiers" dans un fonds ou un compartiment (qui peut avoir un actionnaire à plus de 50 %) ne soient pas toujours en mesure d'obtenir toutes les informations permettant une application stricte des nouvelles règles (dans leur déclaration à l’impôt des personnes physiques, leur déclaration à l’impôt des personnes morales et/ou leur déclaration TACT). Par exemple, ces informations seront nécessaires pour savoir si un fonds étranger dans lequel ils ont investi est à considérer comme un fonds dédié. L'exercice n'est pas toujours simple, surtout si des actionnaires liés menacent de dépasser ensemble la limite de 50 %. Et dans le cas d'un fonds dédié, un actionnaire minoritaire (éventuellement le seul investisseur belge) peut avoir des difficultés à trouver le montant des revenus concernés et/ou le montant moyen du (des) compte(s)-titres aux dates de référence concernées.
Cette observation appelle une réflexion, également au niveau législatif : étant donné l'expansion sensible du concept de fonds dédié, a-t-on vraiment l'intention de soumettre un OPC étranger à la taxe Caïman (et par extension à la TACT) dès qu'un actionnaire (éventuellement étranger), un groupe ou une famille dépasse la limite de 50 %, quand on sait que cette information ne sera souvent même pas connue d'un investisseur minoritaire belge ? En particulier dans les cas où cet "actionnaire à plus de 50%" n'est ni domicilié en Belgique ni affilié à l'actionnaire minoritaire belge, le fait que cela puisse conduire à l'application de la TACT à l'ensemble des comptes titres d'un fonds étranger sera perçu comme une mesure de grande envergure, injuste et même kafkaïenne.
Suggestion au gouvernement
Outre d'éventuels problèmes de conflit avec les conventions de double imposition, une réforme fiscale devrait - à notre humble avis - également se pencher sur la réparation des modifications législatives passées qui, à notre avis, ont des conséquences involontaires (du moins mal réfléchies). Ces modifications peuvent avoir pour conséquence que les résidents belges doivent payer la TACT sur la valeur totale d'un fonds qui appartient en fait en grande partie à un investisseur étranger, avec lequel ils n'ont rien à voir du tout. Cela va (beaucoup) trop loin. De cette manière, investir dans des fonds étrangers devient une sorte de roulette russe fiscale. Est-ce la politique fiscale que le gouvernement belge souhaite mener ? Nous pensons (à juste titre, espérons-le) que non.
Mais il est urgent d'agir, par exemple par le biais d'une circulaire ou, le cas échéant, d'une modification législative interprétative. À notre avis, il serait parfaitement logique que la taxe Caïman, et a fortiori la TACT, ne s'applique pas aux investisseurs belges qui, individuellement ou en tant que membres d'un groupe d'investisseurs interdépendants, ne dépassent pas la limite de 50 %. Un arrangement par lequel les petits poissons sont "punis" parce qu'un gros poisson ou un groupe de poissons (non liés aux petits poissons) détient plus de 50 % n'a pas de sens. Et, dans tous les cas, il s'agit d'une erreur par rapport au groupe visé.
[1] Pro memoria : o.i. Les OPC belges ne peuvent jamais être considérés comme une construction juridique.