Cycle de régularisation expiré DLUquater
Sous le régime de la DLUquater, établie par la loi du 21 juillet 2016[1], les contribuables pouvaient, s’ils le souhaitaient, régulariser les capitaux fiscalement prescrits moyennant le paiement d’un prélèvement de 40%. Les revenus fiscalement non prescrits pouvaient être régularisés moyennant le paiement de l’impôt normal restant dû, majoré d'une lourde pénalité de 25% (en plus du taux normalement applicable, donc). En échange du paiement, le déclarant obtenait une attestation de régularisation qui lui procurait une immunité fiscale et pénale. Cette attestation était (et est toujours) une condition nécessaire pour le rapatriement des avoirs étrangers auprès des banques belges.
À la dernière minute, 606 déclarations ont été déposées en décembre 2023, ce qui est courant lorsqu’une telle législation est assortie d’une date d'expiration. On parle alors d’une « aubaine » pour le Trésor public. En 2023, 1024 déclarations ont été déposées pour un montant total de 894.262.312,32 euros. Les montants déclarés étaient exceptionnellement élevés par rapport aux années précédentes. Cela a eu un impact positif sur le budget correspondant à 260 millions d’euros pour l’année 2024. Au total, le quatrième cycle de régularisation a permis de collecter 1,15 milliard d’euros pour la période allant de 2016 à 2023. Un montant aussi élevé peut surprendre car l’année 2023 était, après tout, la 20e année consécutive - depuis 2004 - où un client pouvait procéder à une régularisation fiscale. En effet, depuis 2004, sans interruption, à l’exception des années 2005, 2014 et 2015, il était possible de régulariser par le biais d’une « déclaration libératoire unique ». Pour chacune des trois années susmentionnées, il existait toutefois une possibilité administrative de régularisation fiscale par l’intermédiaire des services de l’Inspection Spéciale des Impôts.
La question s’est alors posée de savoir comment les régularisations fiscales pouvaient encore avoir lieu à partir du 1er janvier 2024. Malgré « 20 ans de régularisation fiscale », il y a toujours des capitaux sur des comptes étrangers dont l’origine ne peut pas être entièrement démontrée, qui ont donc totalement ou partiellement - ou pas du tout - une origine illicite. L’incertitude quant à l’origine, qu’il faut alors comprendre comme une origine qui ne peut être reconstituée de manière complète et concluante sur la base de documents probants, est en effet suffisante pour déclencher un soupçon de blanchiment d’argent et donc un refus de la banque belge d’accepter les fonds rapatriés.
En juillet 2023[2], le ministre des finances avait identifié le problème de « l’expiration définitive de la DLUquater » et voyait le Ministère Public (MP) comme une solution pour qu’à partir du 1er janvier 2024, les contribuables puissent rectifier leurs impôts fédéraux sur le revenu avec, à la clé, un éventuel règlement à l’amiable. Sous réserve de l’accord du Ministère Public, et vraisemblablement dans le cadre de l’article 216bis du Code d’instruction criminelle, les impôts seraient payés, ainsi qu’une somme d’argent à titre d’amende, après quoi l’action pénale s’éteindrait. Cependant, cette déclaration du ministre des Finances en a fait sourciller plus d’un dès le départ. En effet, le MP ne dispose pas d’une fonction de guichet et n’est pas du tout équipé pour traiter une multitude de dossiers de ce type. En outre, il n’appartient pas au Ministère Public de traiter de tels dossiers « spontanés », qui sont souvent relativement limités en termes de taille et de gravité. Il s’agissait donc d’une solution incertaine qui, à ce jour, ne s’est toujours pas concrétisée. Il n’existe aujourd’hui pas de procédure permettant de saisir spontanément le MP.
Une autre option consiste à introduire une demande de rectification spontanée auprès du contrôleur local du SPF Finances ou de l’Inspection spéciale des impôts. Ces procédures administratives ne confèrent pas d’immunité pénale, mais elles donnent lieu à un débat contradictoire avec des pouvoirs de contrôle de l’administration fiscale. À l’heure actuelle, cette option n’est toutefois envisageable qu’en cas de fraude fiscale non prescrite. Pour les capitaux/revenus fiscalement prescrits, le SPF Finances ne peut pas être contacté.
DLUquinquies
Avec le futur gouvernement (Arizona ?) à l’horizon, des plans pour introduire un nouveau cycle de régularisation fiscale sont sur la table. Quelques partis politiques semblent exiger que le taux de pénalité qui serait utilisé pour rectifier les capitaux prescrits soit plus élevé qu’à l’époque de de la DLUquater, ce qui nous amène immédiatement vers les 50 %.
D’après notre expérience, il existe encore une forte demande en faveur d’un nouveau cycle de régularisation. Par exemple, il y a encore un nombre assez important de cas où des successions ont été ouvertes et où les héritiers entrent en possession de capitaux sur des comptes auprès d’institutions financières étrangères dont l’origine ne peut pas être entièrement expliquée selon les normes appliquées par les banques belges en 2025. Les héritiers souhaitent rapatrier ces fonds mais se heurtent à la politique de conformité très stricte des banques belges. Selon la réglementation actuelle, telle que précisée dans les circulaires émises par la BNB, la banque ne peut accepter les fonds que si l’origine des avoirs est entièrement démontrable et peut être documentée, ou si ces avoirs sont (entièrement) régularisés sur le plan fiscal. Il s’agit souvent de dossiers qui remontent très loin dans le temps et qui, dans le cas d’une succession, impliquent l’éventuel historique fiscal d’un prédécesseur légal, qu’il est impossible de reconstituer et de documenter complètement après son décès. La pratique montre que dans de tels dossiers, les héritiers sont confrontés à un grave problème et ne savent pas vers qui se tourner à des fins fiscales.
Ce faisant, les héritiers courent le risque de poursuites pénales. En outre, depuis le 5 février 2024[3], ce risque s’est accru, compte tenu de la suppression de l’« échappatoire » pour les héritiers. En cas de fraude fiscale « ordinaire » (par opposition à la fraude fiscale grave), les héritiers pouvaient auparavant bénéficier d’une immunité de tiers en cas de commission d’une première infraction de blanchiment d’argent (entrée en possession d’avantages patrimoniaux illicites) et d’une troisième infraction de blanchiment d’argent (dissimulation et déguisement). Cela signifie que les héritiers qui acceptent et gèrent une succession pourraient désormais faire l’objet de poursuites pénales s’il s’avère qu’il s’agit de fonds ou de bénéfices illicites. Une nouvelle possibilité de régularisation peut donc être utile et nécessaire non seulement pour les héritiers eux-mêmes, mais aussi pour les autres tiers concernés, c’est-à-dire les entités tenues d’appliquer la législation préventive sur le blanchiment de capitaux (banques, notaires, avocats, etc.). Bien qu’ils puissent bénéficier d’une cause d’excuse absolutoire, ils peuvent être plus sévèrement punis si toutes les obligations ne sont pas respectées [4].
Enfin, un cinquième cycle de régularisation pourrait également être un coup de pouce pour le budget. Bien entendu, tout dépend de l’approche et de la procédure adoptée, mais il faut s’attendre à ce que la procédure utilisée par le point de contact régularisation dans le cadre de la loi du 21 juillet 2016 ne soit pas trop modifiée. Reste à savoir quelles autres modifications seront apportées à cette procédure et quel taux sera appliqué aux capitaux fiscalement prescrits.
A suivre...
[1] Loi du 21 juillet 2016, MB 29 juillet 2016.
[2] Rapport intégral de la commission des finances et du budget du 19 juillet 2023, CRIV 55 COM 1162, 27 et 28.
[3] Loi du 5 février 2024 modifiant la loi du 18 septembre 2017 visant à prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, BS 12 février 2024.
[4] https://www.tiberghien.com/nl/3873/newsflash-geen-ontsnappingsroute-meer-voor-gewone-derden-bij-witwas-van-fiscale-fraude