Tout d'abord, la décision confirme que la sicav institutionnelle sera soumise à l'impôt des sociétés sous le régime de l'article 185bis du Code des impôts sur les revenus (ci-après « CIR ») puisqu'elle relève de l'article 285 de la loi sur les OPCA du 19 avril 2014 et qu'elle remplit les conditions prévues par l'arrêté royal du 7 décembre 2007. Cela n'est pas surprenant en soi. L'article 185bis du CIR s'applique à un certain nombre de types de fonds réglementés par le droit financier (et ne se réfère pas au concept fiscal de société d'investissement tel que défini à l'article 2, §1er, 5°, f) du CIR). Une société d'investissement qui satisfait à toutes les conditions et dispositions légales d'un de ces types de fonds réglementés sera par conséquent également éligible à l'article 185bis du CIR.
De manière plus surprenante, le SDA (Service des Décisions Anticipées) a également confirmé que les distributions effectuées par la sicav institutionnelle dans le cadre de l'acquisition de ses actions propres ne constituent pas des revenus mobiliers et de capitaux au sens de l'article 21, alinéa 1, 2° du CIR, de sorte qu'elles ne sont pas imposables. L'article 21, 2° du CIR s'applique au boni de rachat et de liquidation d'une société d'investissement (nationale ou étrangère) qui bénéficie d'un régime fiscal dérogatoire au droit commun. La loi fait ici référence à la notion fiscale de société d'investissement telle que visée à l'article 2, § 1, 5°, f) du CIR. Le SDA lie classiquement cette notion à la condition que la société d'investissement attire une multitude d'investisseurs (éventuellement via un « Feeder fund ») et qu'elle investisse dans une multitude de lignes d'investissement (éventuellement via un « Master fund »). Dans la décision n° 2023.1023, le SDA passe outre sans problème la condition de la pluralité d'investissements et confirme qu'une sicav à actionnaire unique (situation « de facto ») peut être qualifiée de société d'investissement. La décision fait référence au fait que les investissements à apporter à la sicav institutionnelle ne donnent lieu qu'à un montant négligeable devant être soumis à l’impôt. En outre, il est fait référence à un grand nombre de motifs non fiscaux (professionnalisation de la politique d'investissement, plus de contrôle et d'équilibre des pouvoirs, rapports clairs, ...) qui justifient le choix d'une sicav institutionnelle. Il nous semble pertinent d'inclure ces éléments dans l'évaluation lorsque l'on examine si les conclusions du SDA dans cette décision peuvent être transposées à d'autres dossiers.
En outre, la décision précise que les opérations effectuées par la sicav institutionnelle, ainsi que les opérations portant sur les actions de la sicav institutionnelle, seront exonérées de la taxe sur les opérations de bourse en vertu des articles 120 du Code des droits et taxes divers (ci-après « CDTD »), 126/1, 2° CDTD et 126/1, 3° du CDTD.
La décision confirme également que l'émission initiale de nouvelles actions par la sicav (et ce en réponse à l'apport d'un portefeuille-titres) en tant qu'"opération primaire" n'est pas soumise à la taxe sur les opérations de bourse, puisque l'application de l'article 120 du CDTD ne prévoit pas d'opérations primaires. Il s'agit ici d'une simple application de la loi.
L’émission de nouvelles actions se fait toutefois contre l'émission d'un portefeuille-titres. Certains des titres apportés bénéficient d'une exonération (par exemple, les parts d'une société immobilière réglementée institutionnelle) à la taxe sur les opérations de bourse. Pour d'autres titres, ce n'est pas le cas. Le SDA décide que la TOB est due sur cet apport (contre l'émission de nouveaux titres). Cette position nous surprend. En effet, ces dernières années, nous sommes toujours partis du principe que, selon le SPF Finances, la taxe sur les opérations de bourse n'est due qu'en cas d'intervention active d'un intermédiaire professionnel. Ceci est par exemple le cas lorsque cet intermédiaire professionnel fait en sorte que le vendeur et l'acquéreur des titres se rencontrent. Ceci n’est pas le cas lors d'un apport de portefeuille à une sicav institutionnelle n’ayant qu’un seul actionnaire. Ici, l'intermédiaire financier ne joue pas le rôle d'"entremetteur" entre le cédant et le cessionnaire des titres. L'intermédiaire professionnel (par exemple une banque) va alors tout au plus - pour ainsi dire "comme un notaire" - prendre acte du transfert des titres et l'exprimer en transférant les titres transférés du compte-titres du cédant vers le compte de la sicav institutionnelle bénéficiaire. Dans ce cas, il ne peut y avoir d'intervention active. Par conséquent, la taxe sur les opérations de bourse ne s'applique pas au regard de l'article 126/1, 1° du CDTD.
Le SDA confirme également que la sicav est exonérée de la taxe annuelle sur les comptes-titres en vertu de l'article 201/4, quatrième alinéa, 1° du CDTD, qui prévoit notamment une exonération pour les OPC alternatifs. Il est précisé que la sicav institutionnelle en bénéficie dans ce cas parce que, selon la législation nationale, son règlement, ses statuts ou toute autre disposition, il ne lui est pas interdit de lever des capitaux auprès de plus d'un investisseur, de sorte qu'elle peut être considérée comme une société qui lève des capitaux auprès d'une série d'investisseurs. Nous adhérons tout à fait à ce point de vue. Nous remarquons que les fonds institutionnels ont été exonérés une seconde fois par le législateur de la taxe annuelle sur les comptes-titres, notamment par l'article 201/4, quatrième alinéa, 3° du CDTD. Cette deuxième exonération est toutefois assortie d'une exception pour les fonds dédiés et les compartiments. En l’espèce, il s'agit d'une sicav ayant un seul actionnaire, donc d'un fonds dédié. Nous nous réjouissons que le SDA considère apparemment que l'exception à l'exonération supplémentaire de l’article 201/1, quatrième alinéa, 3° du CDTD n'empêche pas de se prévaloir de l'exonération de l'article 201/4, quatrième alinéa, 1° du CDTD. Une seule exemption suffit. C'est également ce que nous avons écrit précédemment dans notre contribution au Liber Amicorum Bernard Peeters.
La décision précise en outre que la sicav institutionnelle n'est pas soumise à la taxe annuelle sur les organismes de placement collectif visée à l'article 201/20 du CDTD. Là encore, le SDA ne fait qu'appliquer la loi.
En revanche, à notre connaissance, la décision ne se prononce pas sur la qualification de la sicav institutionnelle en tant que construction juridique. Certaines entités sont exclues de la qualification de construction juridique, ainsi que de la qualification de "constructions intermédiaires". Cela signifie que ces entités elles-mêmes ne peuvent être qualifiées de constructions juridiques et qu'elles agissent comme un "bloqueur" pour toute construction juridique détenue directement ou indirectement par l'intermédiaire de cette entité. L'une des catégories exclues est celle des "fonds alternatifs" basés dans l'Union européenne (article 2, § 1, 13°/1, b) du CIR) : " un organisme de placement collectif alternatif de droit belge ou de droit étranger dont le gestionnaire, conformément à la loi du 19 avril 2014 relative aux organismes de placement collectif alternatifs et à leurs gestionnaires, conformément au droit interne d'un Etat membre de l'Union européenne ou conformément au droit interne d'un Etat tiers, remplit les conditions prévues par la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 1095/2010, le cas échéant considéré distinctement par compartiment ". Une sicav institutionnelle répond en principe à cette définition. Toutefois, l'exclusion en tant que construction juridique et "construction intermédiaire" ne s'applique plus s'il s'agit d'un fonds dédié ou d'un compartiment, c'est-à-dire d'une entité dont les droits sont détenus à plus de 50 % par une personne, ou plusieurs personnes liées entre elles (considérées par compartiment séparé). Pour une sicav institutionnelle à actionnaire unique, c'est le cas. Le texte de la décision publié reflète bien la position de la demandeuse à cet égard. Il est constaté que la sicav institutionnelle n'est pas une construction juridique au sens de l'article 2, §1, 13°, b), premier alinéa du CIR car elle n'est pas une entité dotée de la personnalité juridique qui n'est pas soumise à un impôt sur le revenu comparable à celui de la Belgique. En effet, la sicav sera soumise à l'impôt sur le revenu belge et, selon la demandeuse, ne tombera donc pas dans le champ d'application de la taxe Caïman. Le fait que la base imposable de la Sicav est déterminée sur la base de l'article 185bis du CIR n'y change rien. La sicav est soumise à l'impôt des sociétés belge, c'est-à-dire à un impôt sur le revenu qui est toujours supérieur (et donc jamais inférieur) à 15% du revenu imposable déterminé selon les règles applicables pour l'établissement de l'impôt belge sur des revenus équivalents. Nous partageons ce point de vue. Le fait que le SDA reprend cette argumentation dans la version publiée de la décision anticipée indique, à notre avis, qu'elle y adhère également. Le seul regret est que cette question juridique ne soit pas (à notre connaissance) abordée dans le dispositif de la décision anticipée.