Le fisc pourra examiner votre déclaration jusqu'à 10 ans après son introduction en cas de fraude ou de "déclaration complexe"
Actuellement un délai ordinaire d'investigation et d’établissement de l’impôt de trois ans est applicable, ainsi qu’un délai extraordinaire de sept ans en cas de fraude. En 2019, dans le cadre de la taxe Caïman, un délai extraordinaire d'investigation et d’établissement de l’impôt de dix ans avait déjà été introduit lorsque, en bref, un contribuable belge utilise des "constructions juridiques" dans un paradis fiscal pour dissimuler l'origine ou l'existence de ses avoirs. Il est question d'un paradis fiscal au sens de l'article 179 de l’AR/CIR92 dès lors que l’imposition est inexistante ou faible dans le pays concerné. Une exception est possible lorsqu’il s’agit d’un pays avec lequel la Belgique a conclu une convention préventive de la double imposition qui prévoit un échange suffisant d'informations (pour plus d'informations à ce sujet, voyez nos bulletins d’information précédents sur la taxe Caïman). Dans la pratique toutefois, cette période de dix ans n'est actuellement utilisée que de manière limitée.
La proposition du Collège prévoit maintenant d'élargir les possibilités d'utilisation de cette période prolongée d'investigation et d’établissement de l’impôt. Dans un premier temps, le Collège retiendra la période normale d'investigation et d’établissement de l’impôt de trois ans. Toutefois, pour les déclarations tardives, une nouvelle période de quatre ans est proposée. En cas de fraude ou de "déclaration complexe", le Collège veut porter les délais à dix ans. Il est donc très important de déterminer la définition exacte d'une telle "déclaration complexe". Cette notion sera décrite plus en détail dans le projet de loi qui met en œuvre ces nouveaux délais, selon le Collège.
Le plan d'action parle actuellement de "déclaration complexe" lorsqu'il s'agit d'une déclaration impliquant des prix de transfert, des structures et des flux financiers internationaux, des revenus non déclarés, des constructions juridiques, des éléments (ou des indices) de fraude et des éléments nécessitant des informations en provenance de l'étranger. Il s'agit – et c’est un doux euphémisme – d'une définition très large. Sans qu'il doive être question fraude, tout contribuable actif au-delà des frontières devient soumis à un délai de dix ans et est donc placé sur un pied d'égalité avec un fraudeur (présumé). En d'autres termes, en tant que contribuable, vous êtes censé prouver la conformité au marché de votre transaction transfrontalière jusqu'à dix ans après qu'elle ait eu lieu, même en l'absence de tout indice ou élément de fraude.
Il convient également de noter que la déclaration d'un contribuable qui, même de bonne foi, oublie de déclarer un montant très limité de revenus serait également une "déclaration complexe". En effet, à l'heure actuelle, aucun seuil minimum n'est prévu pour être considéré comme une "déclaration complexe". Par conséquent, vous pouvez être confronté à une période d’établissement de l’impôt de dix ans, même si vous avez oublié par inadvertance de déclarer seulement 50 euros. Ceci est également applicable si ce montant n'a pas été inclus dans la proposition de déclaration simplifiée que vous recevez de l'administration.
Une première lecture du plan d'action montre que le concept de "déclaration complexe" est très large et que de nombreuses situations simples seront (à tort selon nous) également couvertes par cette période étendue de dix ans. On peut donc s'attendre à ce que la notion de "déclaration complexe" soit définie très précisément dans la loi afin d'éviter des situations manifestement déraisonnables. En outre, il s'agira d'une exception à la règle générale, qui devra être interprétée de manière stricte.
En conséquence de ce qui précède, l'obligation de conservation sera également portée à dix ans.
Le délai d’introduction des réclamations sera toutefois prolongé de six mois à un an.
Pénalités pour les contribuables qui refusent de coopérer
Les autorités fiscales disposent d'un droit d'accès et de contrôle dans les délais susmentionnés afin de vérifier une déclaration introduite et, le cas échéant, d’établir une cotisation supplémentaire. Un contrôle de l'administration fiscale ne peut porter que sur des données à caractère fiscal. Malgré ce qui précède, dans la pratique, les autorités fiscales interprètent leur droit d'accès et de contrôle de manière très large (souvent trop large) et attendent une transparence totale de la part du contribuable, par exemple en exigeant une copie de l'ensemble du serveur (y compris les données non pertinentes pour l'impôt) pour une enquête approfondie. De plus en plus souvent, le contribuable refuse de coopérer à ces "fishing-expeditions" (par exemple en coupant l'électricité et en mettant ainsi le serveur hors service).
Afin de faire respecter l’obligation de coopération du contribuable, l'administration pourra bientôt saisir le juge. Sur la base du plan d'action, ce dernier aurait la possibilité d'imposer une astreinte au contribuable s’il fait obstacle au contrôle fiscal. Bien qu'elle soit précédée d'un contrôle judiciaire, cette applicabilité contraignante des compétences d’investigation fiscale est évidemment en contradiction avec le droit du contribuable de garder le silence qui, dans certaines circonstances, est important dans un contrôle fiscal.
Une nouvelle vague de contrôles fiscaux est également annoncée
Le plan d'action annonce également une série de nouveaux contrôles fiscaux en 2022. Par exemple, les notifications DAC6 seront rassemblées dans une base de données pour permettre l'analyse des risques afin que des contrôles effectifs puissent être lancés à partir de septembre 2022.
À la suite des Pandora papers, des initiatives législatives seront également prises pour pouvoir utiliser en masse les données du registre UBO pour l'exploration de données (datamining). Cette exploitation des données entraînera évidemment aussi une nouvelle vague de contrôles fiscaux.
Il ressort par ailleurs du plan d'action que les données recueillies dans le cadre de la coopération internationale entre les différentes administrations fiscales des pays partenaires (appelées "CRS-OUT") seront également utilisées dans le cadre de nouveaux contrôles fiscaux.
Afin de rendre impossible la fraude (européenne) dans le cadre du précompte mobilier, un mécanisme sera également mis en place pour que les vérifications et les contrôles du précompte mobilier, notamment concernant les remboursements, les exonérations et les renonciations, puissent être effectués de manière plus efficace et effective.
De nombreux autres points d'action annoncés
Enfin, beaucoup d’autres mesures sont introduites pour lutter contre la fraude fiscale et sociale. Il s'agit notamment de mesures visant à endiguer les chaînes frauduleuses de sous-traitants, de l'utilisation de la base de données LIMOSA pour identifier les risques en matière d’obligation de déclaration, de précompte professionnel ou d’obligations TVA, de l'utilisation d'une identité numérique pour les contribuables étrangers, d'une mise à jour de la liste des "pays à fiscalité faible ou inexistante", etc.
Nous suivons de près les développements ci-dessus et restons disponibles pour répondre à toute question que vous pourriez avoir à leur sujet.
Pour plus d’informations, n’hésitez pas à prendre contact avec:
Tiberghien Tax Litigation Team
[1] Le Collège, nommé par le ministre des Finances Vincent Van Peteghem, est composé des administrations fiscales (AGPR, ISI, Administration des douanes et accises, AG Fisc, Bureau de coordination de la lutte anti-fraude (CAF), CTIF, etc.), des directions et institutions impliquées dans la lutte contre la fraude, de certains procureurs et du procureur fédéral (ou de leurs adjoints). Au niveau du Collège, une politique fiscale et sociale commune de lutte contre la fraude est élaborée, qui constitue la base des décisions politiques ultérieures.