Cette nouvelle possibilité de suspension, selon l'exposé des motifs, intervient alors que l'administration est confrontée à un afflux de demandes de remboursement qui sont introduites directement devant le tribunal, sans qu'une demande de remboursement n’ait été préalablement introduite auprès de l'administration elle-même.
Cette pratique est une conséquence de la forte diminution des possibilités d'interruption de la prescription pour le remboursement des taxes diverses à l'article 202/9 du CDTD, suite à l'introduction du "Code de recouvrement amiable et forcé des créances fiscales et non fiscales". En effet, depuis l'entrée en vigueur de cette loi (soit le 1er janvier 2020), l'interruption de la prescription n'est plus possible par le biais d'une mise en demeure par lettre recommandée d’un avocat (ou d’un huissier). Etant donné le court délai de prescription pour le recouvrement judiciaire des taxes diverses (2 ans - voir art. 202/8, paragraphe 2 du CDTD) et les possibilités limitées d'interruption du délai de prescription, il est souvent choisi d'introduire immédiatement (également) une demande auprès du tribunal. Toutefois, ces procédures judiciaires entraînent des frais de justice tant pour l'administration que pour le contribuable. En outre, dans la pratique, cela peut donner lieu à des discussions concernant la recevabilité, compte tenu de l'article 1385undecies, deuxième alinéa du Code judiciaire, selon lequel une demande devant le tribunal ne peut en principe être introduite qu'au plus tôt six mois après l'introduction d'un recours administratif organisé (si l'administration n'a pas pris de décision). Jusqu'à présent, de nombreux contribuables souhaitant demander le remboursement de taxes diverses étaient confrontés à une situation de blocage procédural à cet égard. Toutefois, le Tribunal fiscal de Bruxelles a déjà confirmé à plusieurs reprises qu'il n'y avait pas de recours administratif organisé concernant les taxes diverses, de sorte que cette condition d'épuisement ne pouvait pas être invoquée par l'administration fiscale. Par conséquent, le contribuable pouvait immédiatement récupérer les taxes diverses devant le tribunal, sans introduire la demande de restitution au préalable auprès de l'administration.
Le manque de clarté concernant la procédure à suivre pour demander le remboursement des taxes diverses est inacceptable dans un système juridique démocratique. En créant une ambiguïté quant à la voie à suivre par un contribuable, le législateur - dans l’ancien régime - a limité in real life la procédure légale et le droit à un procès équitable du contribuable belge. Le législateur s'attaque maintenant à ce problème en insérant un nouvel article (article 2028/1) dans le CDTD. Cette disposition prévoit la suspension du délai de prescription des taxes diverses tant que l'administration fiscale n'a pas statué sur la demande de remboursement. L'exposé des motifs précise que le contribuable doit d'abord introduire une demande de remboursement auprès de l'administration. Si cette dernière ne statue pas sur la demande en temps utile (c'est-à-dire dans les 6 mois de l'introduction de la demande), le contribuable peut s'adresser au tribunal compétent conformément à l'article 1385undecies du Code judiciaire. À cet égard, on peut encore se demander si le CDTD parle réellement d'un "recours administratif organisé" et, par conséquent, s'il existe une exigence d'épuisement en vertu de laquelle le contribuable doit d'abord s'adresser à l'administration avant de s'adresser au tribunal. En tout état de cause, une demande de remboursement introduite auprès de l'administration suspendra le délai de prescription en vertu des nouvelles règles, ce qui donnera au contribuable suffisamment de temps pour attendre une décision administrative avant de saisir le tribunal.
Le nouveau motif de suspension est entré en vigueur le 8 juin 2024 (soit 10 jours après la publication de la loi au Moniteur belge). En outre, la loi précise que cette nouvelle réglementation ne s'applique que si le fait générateur de l'impôt survient dans une période postérieure à l'entrée en vigueur de cette disposition. Cela signifie entre autres, par exemple pour la taxe sur les opérations de bourse, que cette suspension s'applique aux achats ou aux ventes (ou aux rachats de ses actions de capitalisation par une société d’investissement) à partir du 8 juin 2024. En ce qui concerne la taxe annuelle sur les organismes de placement collectif, par contre, la nouvelle option de suspension ne s'appliquera qu'à la taxe due sur le total des montants nets en Belgique au 31 décembre 2024 (la taxe devant être payée au plus tard le 31 mars 2025).
À notre avis, l'entrée en vigueur différée est une occasion manquée. L'effet suspensif ne s'applique pas encore aux demandes de remboursement qui sont déjà en suspens ou qui doivent encore être introduites pour des faits générateurs d’imposition antérieurs au 8 juin 2024. Le manque de clarté actuel (en vertu des anciennes règles) concernant la procédure à suivre va donc se prolonger pendant encore deux ans environ. En fin de compte, le législateur met fin à un "Catch 22 procédural", mais il ne le fait que pour l'avenir. En ce qui concerne le principe d'égalité, il aurait été à notre avis plus approprié de donner temporairement une portée plus large à la nouvelle mesure et de la faire entrer en vigueur au moins à partir du moment où le législateur a rendu inopérante la possibilité d'interruption de la prescription sur la base de l'article 2244, §2 du Code civil pour les différentes taxes.
Possibilité de compensation dans les déclarations ultérieures
En outre, la loi portant des dispositions fiscales diverses prévoit également la possibilité - à partir du 1er janvier 2028 - de compenser les taxes sur-déclarées directement par une déclaration ultérieure (dans un délai de 6 mois) en plus de la demande de remboursement (nouvel article 20137/2 du CDTD). Le législateur souhaite ainsi légaliser la pratique selon laquelle les contribuables procèdent eux-mêmes à la compensation des taxes diverses dans des déclarations ultérieures. Une case séparée sera prévue dans les formulaires de déclaration des taxes respectives, dans laquelle les montants déclarés en trop pourront être inscrits. Il ne s'agit pas d'une compensation dans la base d'imposition. Il ne sera pas non plus possible de compenser plus que le solde dû sur la base de la déclaration. Toutefois, cette possibilité n'est pas ouverte aux taxes dont la base légale est elle-même contestée par le contribuable.
Inversement, il sera également possible de rectifier les montants sous-déclarés dans les déclarations ultérieures sans que la déclaration initiale ne soit considérée comme incorrecte. Toutefois, le retard de paiement entraînera des intérêts de retard.
Conclusion
L'effet suspensif du délai de prescription est un ajout positif au CDTD. Il donnera au moins aux contribuables le temps de soumettre une demande de remboursement motivée et de consulter l'administration avant de s'adresser au tribunal. En effet, étant donné le court délai de prescription d'une demande légale de remboursement des taxes diverses (2 ans) et les possibilités limitées d'interruption et de suspension de la prescription, cela n'était souvent plus possible. Comme indiqué dans l'exposé des motifs, cette mesure permettra de réduire les coûts tant pour l'administration que pour le contribuable. La possibilité de compensation dans les déclarations ultérieures (à partir de 2028) permettra à l'avenir de réclamer encore plus facilement le remboursement des taxes déclarées en trop.