1. LIMITATIONS DE L’ÉXONÉRATION LORS D’UN TRANSFERT SUCCESSIF
Cette exemption comporte les limitations importantes suivantes, dont la première - reprise ci-dessous - est la seule modifiée par le décret du 21 décembre 2018:
(i) L'exonération est limitée au montant de l'impôt de successions prélevé sur les biens donnés.
Exemple3: Tom hérite de 40.000 EUR pour lesquels il a payé 1.100 EUR d’impôt de succession. Tom veut donner 30.000 EUR à son fils. Il souhaite conserver pour lui les 10.000 EUR restants. En principe, la donation à son fils sera soumise à un impôt de donation de 900 EUR (3% sur 30.000).
L’impôt de succession payé sur les biens donnés s'élève à 825 EUR (1.100 x (30 000/40 000)). Comme l'exonération ne peut jamais être supérieure au montant de l’impôt de succession acquitté sur les biens donnés, cela signifie que l'exonération peut atteindre un maximum de 825 EUR. Un impôt de donation de 75 EUR restera donc dû.
Dans la version initiale de l'article 2.8.6.0.9 VCF4, il était prévu que seul l’impôt de succession payé « sur la catégorie de biens concernée » serait pris en compte pour le calcul de l’impôt de succession déjà payé. Concrètement, cela signifiait que le calcul de l'exonération ne tenait compte que de l’impôt de succession payé sur les biens de même nature, meubles ou immeubles, que les biens transférés.
L'exposé des motifs du décret du 21 décembre 2018 indique explicitement qu'il s'agit d'une restriction « supplémentaire et incorrecte ».5 Etant donné que le législateur n'avait pas l'intention d'exiger que les biens donnés soient de même nature que les biens hérités pour pouvoir bénéficier de l'exonération et que l'accent est mis sur la valeur des biens donnés, peu importe leur nature mobilière ou immobilière, le quatrième alinéa de l'article 2.8.6.0.9 VCF a été modifié en ce sens par le Décret du 21 décembre 2018 qui abroge les termes « dans la catégorie de biens concernée ».
Cela signifie que le calcul du plafond de l’exonération tient compte de l’impôt de succession payé sur tous les biens, quel que soit leur caractère mobilier ou immobilier, ce qui entraînera une simplification et, dans de nombreux cas, une exonération (ou diminution) supérieure de l’impôt de donation.
(ii) Deuxièmement, l'exonération est limitée à la valeur brute du bien soumis à l'impôt de succession. L'exonération sera limitée proportionnellement si la valeur des biens donnés est plus ou est moins élevée que la valeur brute des biens soumis à l’impôt de succession.
L'exemple ci-dessous explique comment l'exemption est limitée proportionnellement.
Exemple6: Tom hérite d’un compte bancaire de 150.000 EUR de son père. Endéans l’année, il donne 180.000 EUR à son fils. En principe, un impôt de donation de 5.400 EUR sera dû sur cette donation (3% de 180.000 EUR). Si l'exonération de l'article 2.8.6.0.9 du VCF s'applique, le montant total de l’impôt de donation ne sera pas exonéré, car Tom donne plus que ce qu'il a obtenu de la succession de son père. L'exonération ne s'élèvera qu'à 4.500 EUR, compte tenu du rapport entre les biens donnés et les biens hérités ((150.000/180.000) x 5.400 = 4.500). Par conséquent, un impôt de donation supplémentaire de 900 EUR sera dû.
Si une donation simultanée est faite à différents bénéficiaires, l'exemption doit être répartie proportionnellement entre les différents bénéficiaires.7
Exemple8: Tom a hérité de biens mobiliers d’une valeur de 50.000 EUR sur lesquels un impôt de succession de 1.500 EUR a été payé. Il procède ensuite à une donation de 30.000 EUR à son aîné et de 10.000 EUR à chacun de ses deux autres enfants.
L'exonération doit être répartie proportionnellement entre les enfants :
- 900 EUR pour l’enfant ainé (= 1.500 x (30.000/50.000));
- 300 EUR pour chacun des deux autres enfants (= 1.500 x (10.000/50.000)).
(iii) Pour les biens immobiliers, contrairement aux biens meubles, une condition d’identité s’applique.
La condition d'identité signifie que seuls les biens immobiliers hérités de la succession peuvent être donnés en exonération de l'impôt de donation. Les biens immobiliers qui sont complètement étrangers à la succession ne peuvent donc pas être donnés en exonération de l’impôt de donation.
Cependant, il est important de remarquer que cela ne signifie pas que l'exonération de l’impôt de donation est limitée aux biens immobiliers qui sont présents dans leur intégralité dans la succession.9 Par exemple, les travaux parlementaires précisent que si un héritier possédait déjà des droits réels sur l’immeuble avant le décès et, par exemple, était un copropriétaire indivis, il peut bénéficier de l’exonération de l’impôt de donation. En effet, dans ces cas, l’immeuble n’est pas complètement étranger à la succession.
La condition d'identité prévue pour la donation de biens immobiliers n'est pas prévue pour la donation de biens meubles. Alors que les biens immobiliers sont encore parfaitement identifiables après l'héritage, on ne peut pas en dire autant des biens meubles. Dans le cas des biens meubles, il s'agit souvent de biens qui, après l'héritage, sont mélangés aux biens personnels de l'héritier.10 Par conséquent, il n'est pas nécessaire que les biens meubles faisant l’objet de la donation soient issus de la succession du défunt.
(iv) Autres conditions
L’article 2.8.6.0.9, alinéa 7 du VCF contient également les conditions supplémentaires suivantes:
En ce qui concerne le décès qui donne lieu au saut de génération :
- le décès doit être intervenu après le 31 août 2018 ;
- la succession doit être ouverte en Région flamande ;
- l’impôt de succession doit avoir été payé.
Concernant la donation :
- la donation est effectuée par acte notarié ;
- la donation ne comporte pas de terme ni de condition suspensive ;
- dans l'acte de donation, l'exonération est formellement demandée conformément à l'article 3.12.3.0.1, §1er, 3 et 4 ° VCF.
2. Impact concret de l’abrogation des termes « par catégorie » ? Quelques casus.
2.1. Quid du cas dans lequel les biens meubles transmis sont complètement étrangers à la succession et où la succession est constituée uniquement de biens immobiliers?
L’abrogation des termes « dans la catégorie de biens concernée » a, entre autres, pour conséquence que les biens meubles peuvent être transférés en bénéficiant de l’exonération même si la succession est constituée uniquement de biens immobiliers, en tenant compte toutefois des limites susmentionnées.
Exemple : Tom hérite d’un bien immobilier de la succession de son père. Il souhaite garder cette propriété. Il possède cependant également un portefeuille-titres qu'il veut déjà donner à ses enfants. En vertu du Décret du 21 décembre 2018, la donation du portefeuille-titres peut désormais également être effectuée en exonération de l’impôt de donation, bien que Tom n'ait hérité que d’un bien immobilier de la succession de son père.
2.2. Quid du cas dans lequel la donation porte sur le logement familial qui a été hérité par le conjoint survivant et sur lequel aucun impôt de succession n’a été payé ?
Puisque la limitation relative à l’impôt de succession payé n'est plus calculée par catégorie de biens, meubles ou immeubles, mais que l’impôt de succession payé sur la totalité des biens est pris en compte, il est possible de bénéficier d'une exonération de l’impôt de donation en procédant à la donation du logement familial qui a lui-même été hérité en exonération11 de l’impôt de succession, si l’impôt de succession a été acquitté sur les biens meubles.
En ce qui concerne la limitation relative à la valeur brute des actifs de la succession, le décret initial ne prévoyait aucune limitation par catégorie. La valeur du logement familial exonéré est donc prise en compte à concurrence de la valeur brute des biens meubles et/ou immeubles de la succession.
Le logement familial doit avoir été obtenu au moins en partie par la succession conformément à l'exigence d'identité applicable à la donation de biens immobiliers.
Exemple : À la mort de son épouse, Tom hérite de la part indivise de son épouse dans le logement familial. Il hérite également d'un portefeuille-titres. Il souhaite transmettre immédiatement à ses enfants la part indivise de son épouse dans le logement familial. Compte tenu de l'exonération de l’impôt de succession sur la transmission du logement familial entre conjoints, Tom n'était redevable de l’impôt de succession que sur le portefeuille-titres. Vu que, depuis le décret du 21 décembre 2018, l’impôt de succession acquitté sur les biens meubles et immeubles est pris en compte dans le calcul du plafond de l'exonération, Tom pourra procéder à la donation du logement familiale en bénéficiant de l’exonération de l’impôt de donation.
3. CONCLUSION
Le décret du 21 décembre 2018 offre un certain nombre de nouvelles opportunités. Il est désormais possible de transférer des biens meubles avec exonération de l’impôt de donation, alors que ne seraient hérités dans le cadre de la succession que (ou principalement) des biens immobiliers. En conséquence, il existe à présent un choix plus vaste en ce qui concerne les biens que les parents souhaitent transmettre à leurs enfants, ce qui peut être intéressant dans le contexte d’une planification familiale.
Le logement familial exonéré de l’impôt de succession entre partenaires peut être donné à la génération suivante en exonération de l’impôt de donation à concurrence de la valeur des biens hérités (meubles et immeubles) et du montant de l'impôt de succession payé (sur les biens meubles et immeubles) en Région flamande.
Rik Deblauwe - Scientific Advisor (rik.deblauwe@tiberghien.com)
Romina Abiuso - Counsel (romina.abiuso@tiberghien.com)
Julie De Preter - Associate (julie.depreter@tiberghien.com)
Eléonore Maertens de Noordhout - Associate (eleonore.maertens@tiberghien.com)
Maryll Callari - Associate (maryll.callari@tiberghien.com)
1 Article 15 Decr.Vl. 21 décembre 2018, MB 28 décembre 2018.
2 Position 19021 du 18 février 2018.
3 Voir e.a. la réponse du Ministre Tommelein dans le Rapport au nom du Comité de la politique générale, des finances et du budget par Jos Lantmeeters sur le projet de décret, Parl.St. Vl. Parl. 2018-19, n° 1716/2, p10.
4 Comme introduit par le Decr.Vl. du 6 juillet 2018 (MB 20 juillet 2018).
5 Voir la réponse du Ministre Tommelein dans le Rapport au nom du Comité de la politique générale, des finances et du budget par Jos Lantmeeters sur le projet de décret, Parl.St. Vl. Parl. 2018-19, n° 1716/2, p10.
6 Voir e.a. la réponse du Ministre Tommelein dans le Rapport au nom du Comité de la politique générale, des finances et du budget par Jos Lantmeeters sur le projet de décret, Parl.St. Vl. Parl. 2018-19, n° 1716/2, p10.
7 Voir également l’exemple 1 dans la position récente de VLABEL n° 19021 du 18 février 2019.
8 Parl. St. Vl.Parl. 2017-2018, doc 1584-1, 20.
9 R. Deblauwe, “Het nieuwe erfrecht en zijn fiscale consequenties”, AFT 2018/10, 31.
10 R. Deblauwe, “Het nieuwe erfrecht en zijn fiscale consequenties”, AFT 2018/10, 31.
11 Tout en tenant compte des limites fixées.
12 Ici aussi: tenir comptes des limites fixées. En pratique, « l’exonération » résulte souvent en une réduction de l'impôt.