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mercredi, 09 mars 2016

Entreprises familiales: nouvelle circulaire flamande

M. Gijbels

Madame la Ministre Turtelboom a fait publier, le dernier jour de l’année 2015, une circulaire expliquant le régime favorable des donations d’entreprises familiales (tarif de 0%) ou transmissions par succession (tarif de 3% en ligne directe et de 7% entre toutes autres personnes), offrant ainsi aux « estates planners » un sujet de discussion passionnant pour animer leurs diners de réveillon.

En ce qui concerne les entreprises familiales (entreprises individuelles), on peut entre-autres relever dans cette circulaire : 

  • les enfants, frères et sœurs qui cohabitent dans les faits avec le donateur/défunt depuis plus de trois ans peuvent, dans le cadre de cette réglementation, également profiter de la qualification de « partenaire ». Etant donné que le donateur/défunt ou son partenaire doivent eux même être actifs dans l’entreprise (dans le cadre d’un emploi principal ou accessoire, ou après la pension), la mise à la retraite des parents, le déménagement hors de la maison familiale de l’enfant qui reprendra l’entreprise et la donation des parents à l’enfant sont des éléments capitaux.
  • un terrain à bâtir ne peut bénéficier du régime de faveur, même s’il est destiné aux activités de l’entreprise. Ainsi, les enfants d’un commerçant du centre ville qui n’a pu prévoir un parking pour sa clientèle autrement qu’en achetant une habitation dans le but de la détruire ou en achetant une parcelle de terrain à bâtir (et sans avoir pris de mesures de précautions particulières à cette occasion), seront confrontés, en cas de décès soudain de leur parent, à des droits de succession calculés au tarif normal (jusqu’ 27% en ligne directe au lieu de 3%).

Pour les sociétés familiales (dotées de la personnalité juridique), il convient d’être attentif aux points suivants ayant été introduits ou réactualisés par cette Circulaire :

  • la simple gestion de biens (mobiliers ou immobiliers) ou le simple exercice d’activités de management (activités administratives) pour une ou plusieurs filiales ne permet pas de satisfaire à la condition d’activité commerciale. La société de holding qui exerce des services intragroupes pour sa/ses sociétés (filiales), telles que la gestion de la comptabilité ou du personnel, peut, quant à elle, bien être qualifiée de société familiale « active ».
  • la transparence fiscale accordée aux Sociétés de droit commun, en vertu de laquelle il est regardé au travers de la société pour directement tenir compte des participations détenues par les personnes physiques sous-jacentes, est confirmée.
  • en ce qui concerne la Stichting Administratiekantoor (STAK) (fondation de droit néerlandais), la place qu’elle occupe dans la structure du groupe est, selon la Circulaire, déterminante pour la transparence fiscale. La circulaire réitère la position – prévalant déjà sous l’ancienne Circulaire mais n’ayant, à l’époque, pas été publiée – selon laquelle le groupe ne pourra pas bénéficier du régime de faveur si la STAK est placée entre une société de holding passive et une filiale active. Cette position est, selon nous, contestable sur base du texte du décret : si la STAK émet des certificats en représentation d’actions d’une société familiale au sens du décret, peut importe que cela concerne le holding ou la filiale active, le groupe pourra, à notre estime, bénéficier du régime de faveur. Ainsi que le veut l’adage « mieux vaut prévenir que guérir », les groupes présentant une telle structure sociale préféreront adopter des mesures de précaution ou de réparation afin d’éviter d’éventuelles longues et pénibles procédures au décès.
  • le donataire/héritier peut apporter la preuve contraire concernant la condition d’activité réelle s’il démontre que tous les biens immobiliers présents dans la société sont utilisés à la réalisation de l’activité économique de celle-ci. A ce propos, la Circulaire précise  que la location de bâtiments de la société à une ou plusieurs filiales actives peut exceptionnellement constituer une preuve contraire. Toutefois, la location à des tiers   (bail privé ou commercial) ne peut, selon la Circulaire, constituer une preuve contraire suffisante, peut importe la part ou le pourcentage que le bien loué représente dans la totalité des biens immeubles. Il peut être indispensable d’aménager la situation pour le   cas où une société a bien une activité, mais que, sur la base des paramètres décrétaux, elle sera présumée ne pas exercer de réelle activité car elle détient, par exemple, en plus des bâtiments de la société, l’usufruit d’un appartement à la mer ou 1% de la pleine propriété de l’habitation mise à disposition du gérant.
  • en présence d’une donation sous condition suspensive, l’ancienne Circulaire mentionnait expressément que la volonté du législateur décrétal était que l’appréciation des conditions nécessaires à l’application du régime de faveur soit faite uniquement au jour de la donation (sans tenir compte de la date de la réalisation effective de la condition suspensive). La nouvelle Circulaire prend le contrepied de ceci, et prend pour position que, pour les donations consenties à partir du 10 janvier 2016, l’appréciation relative au régime de faveur sera faite au jour de la réalisation effective de la condition suspensive (et donc plus au jour de la donation elle-même). Ceci a, entre autre, des implications concrètes pour les donations contenant une clause de fidéicommis de residuo (ou donation résiduaire). Ce nouveau point de vue du Vlabel a pour conséquence que les conditions nécessaires à l’application du tarif de 0% ne doivent plus seulement être satisfaites à l’occasion de la (première) donation principale, mais également au moment où la donation résiduaire recevra ses effets (étant au moment du décès du premier donataire). Dans l’hypothèse classique où les parents ont donné les actions de la société familiale à leurs enfants, avec donation résiduaire à leurs petits enfants, des années peuvent s’écouler entre le jour où la donation principale est consentie et le jour où la donation résiduaire produira ses effets. Durant cette période, la société devra encore satisfaire aux conditions. En fonction, notamment de l’évolution intrinsèque de la société et des ambitions des (petits-)enfants, il sera vraisemblablement d’autant plus indiqué, malgré la présence d’une clause de fidéicommis de residuo et dans les limites prévues par celle-ci, d’attirer en temps et en heure l’attention des enfants sur la mise en place de leur propre planification patrimoniale. Fort heureusement, rien ne change pour les donations ayant été consenties avant le 10 janvier 2016.

Pour plus d’informations concernant la donation résiduaire dans un contexte belgo-néerlandais, nous vous renvoyons à l’article de Griet Vanden Abeele dans cette même newsletter.

  • en ce qui concerne les réorganisations prenant place peu avant ou peu après la donation ou le décès, la Circulaire indique, comme la précédente, que la situation est évaluée au moment de la donation ou du décès, sans qu’il n’y ait de « période suspecte ». La Circulaire rappelle toutefois que la mesure anti-abus conserve ici toute son importance. Nous insistons sur le fait que toutes les actions, mesures de précaution et autres mesures de réparation entreprises dans le cadre du régime de faveur doivent être confrontées à cette mesure anti abus.

Le diner de réveillon a sans doute dû être de bien trop courte durée que pour permettre aux « estates planners » d’épuiser les sujets offerts par la Circulaire. Ceux-ci pourront certainement animer encore le diner de Pâques à ce propos. 

Le texte complet de la Circulaire est disponible (en néerlandais uniquement) via ce lien.

Pour plus d’informations, veuillez contacter :
Murielle GIJBELS – Associate (murielle.gijbels@tiberghien.com)

M. Gijbels