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jeudi, 27 janvier 2022

L’ELTIF belge : prêt pour un lancement en 2022 ?

L’ELTIF introduit mi-2021

Par une loi portant des dispositions financières diverses du 27 juin 2021 (Moniteur belge du 9 juillet 2021), le régime du Fonds européen d’investissement à long terme (ci-après « ELTIF ») a été introduit dans la loi du 19 avril 2014 relative aux organismes de placement collectif alternatifs et à leurs gestionnaires. Avec cette loi, le régime européen ELTIF a enfin pu entrer en vigueur en droit belge alors qu’un Règlement de l’UE en ce sens existait déjà depuis un certain temps (Règlement UE 2015/760 du 29 avril 2015). Bien qu’il y ait eu une certaine confusion initiale à ce sujet, l’ELTIF peut réellement exister en tant qu’entité distincte (et pas uniquement en tant que « label »).

Le véhicule ELTIF vise à promouvoir les investissements à long terme dans l’économie réelle européenne (« stratégie Europe 2020 »). L’objectif est d’encourager les investissements dans le domaine public en vue de la création d’emplois, du développement d’infrastructures, de projets de mobilité, mais aussi les investissements dans certaines entreprises non cotées ou PME cotées.

Les investissements éligibles sont donc entre autres (i) des projets d’infrastructures (transports, infrastructures environnementales et sociales, partenariats public-privé) ; (ii) des projets de financement de la transition énergétique ; (iii) des projets de transformation numérique ; (iv) des projets immobiliers (maisons de retraite, écoles, hôpitaux, prisons, logements sociaux) ; (v) des projets de soutien aux petites et moyennes entreprises.

Un ELTIF peut investir dans un large éventail d’actifs, à condition que ceux-ci soient à long terme et s’inscrivent dans la stratégie de croissance intelligente, durable et inclusive au sens de la stratégie Europe 2020 susmentionnée.

Il semblerait donc que l’ELTIF pourra surfer sur la dynamique des fonds ESG. En outre, l’ELTIF sera également une entité appropriée pour répondre aux appels d’offres du Fonds de transformation fédéral (géré par la SFPI) dans le cadre du plan de relance post-COVID.

Pour qualifier d’ELTIF, le fonds doit logiquement être géré par un gestionnaire AIFM, être reconnu par la FSMA, être constitué sous la forme d’une société (une base contractuelle n’est pas possible), investir au moins 70% de ses actifs dans des investissements éligibles (investissements à long terme qui contribue à une croissance intelligente, durable et inclusive), le fonds ne peut pas spéculer sur une baisse de prix (« vente à découvert ») et est soumis à des exigences strictes en termes d’effet de levier et de produits dérivés.

Les investisseurs institutionnels et professionnels peuvent investir, mais aussi certains investisseurs privés. Cet instrument est donc destiné à promouvoir le cofinancement et les partenariats entre les secteurs public et privé.

Régime fiscal des ELTIF : un pas plus loin que la SICAV RDT ?

Bien que l’ELTIF puisse débiter comme entité d’investissement distincte, ce n’était jusqu’il y a peu pas très attractif car le législateur belge n’avait pas envisagé la fiscalité applicable à ce véhicule. Le règlement européen ne réglemente lui pas non plus ces aspects.

Jusqu’à récemment, la conclusion était donc qu’en l’absence de dispositions particulières concernant son traitement à l’impôt des sociétés, l’ELTIF, en tant que société belge, était soumis au régime normal de l’impôt des sociétés. Cela signifiait un impôt de 25% pour le fonds, en principe tant sur les revenus d’actions que sur les revenus liés au financement d’emprunts. Les revenus immobiliers étaient en principe également imposés.

Seuls les revenus (dividendes, plus-values) provenant d’actions pouvaient éventuellement être neutralisés si l’ELTIF pouvait, sous certaines conditions, qualifier de société d’investissement et ainsi bénéficier d’un régime RDT plus souple. Toutefois, les revenus provenant par exemple du financement d’emprunts ou les revenus immobiliers restaient imposables à l’impôt des sociétés de 25 %.

Pas très intéressant…

Avec le nouveau loi portant des dispositions fiscales diverses, le gouvernement belge souhaite soutenir diverses mesures, dont l’introduction d’un cadre fiscal performant pour les ELTIF belges.

Le nouveau cadre fiscal pour l’ELTIF vise à :

  • rendre l’instrument d’investissement neutre sur le plan de l’impôt des sociétés ;

  • éliminer la double imposition économique pour les sociétés-investisseurs ; et

  • dispenser les investisseurs non-résidents du précompte mobilier.

Pour ce faire, le législateur belge prévoit expressément l’application du régime de l’article 185bis du CIR92 pour l’ELTIF. Par conséquent, l’entité est soumise à un régime qui s’écarte du régime normal de l’impôt des sociétés, ce qui implique notamment que les revenus provenant des actions (dividendes, plus-values), les revenus provenant du financement par emprunt et les revenus immobiliers ne font tout simplement pas partie de la base imposable de la société. En principe, on ne paie donc plus d’impôts sur ces revenus, du moins pas au niveau du fonds.

En principe, rien ne change pour les gestionnaires du fonds : ils sont toujours imposés sur les commissions qu’ils perçoivent pour la gestion du fonds, selon le régime qui leur est applicable.

Afin d’éviter que les revenus des sociétés d’investissement sous-jacentes ne soient imposées une seconde fois (une fois dans la société target et une fois dans la société-investisseur), une dérogation aux règles normales du régime RDT est prévue lorsque ceux-ci sont distribués aux sociétés-investisseurs, afin que les revenus des « bonnes » actions puissent bénéficier de la déduction RDT.

Il s’agit d’un régime similaire à celui de la célèbre « SICAV-RDT », à ceci près qu’un ELTIF n’est pas tenu de distribuer annuellement au moins 90% de ses revenus nets. Sachant que cela permet une capitalisation intégrale des revenus d’investissement avec droit à la déduction RDT belge, le traitement fiscal de l’ELTIF en fait un nouveau véhicule d’investissement très intéressant.

En outre, à la différence d’une SICAV RDT ordinaire, l’exonération RDT peut également s’appliquer à (la partie du) dividende qui provient de revenus immobiliers imposés à l’étranger.

Toutefois, des conditions et obligations spécifiques s’appliquent pour pouvoir appliquer/offrir un tel « régime RDT » aux sociétés d’investissement (par exemple, une obligation de ventilation sur mesure est indispensable).

Afin de rendre le fonds pleinement attractif pour les sociétés d’investissement de l’UE (et parce que le droit de l’UE l’oblige), le précompte mobilier est supprimé sur les revenus provenant des « bonnes » actions d’origine belge.

En principe, l’ELTIF belge peut également bénéficier du vaste réseau de conventions préventives de la double imposition que la Belgique a conclues, ce qui facilitera les investissements internationaux et la participation d’investisseurs internationaux.

Une fois enregistré auprès de la FSMA, le fonds sera également soumis à la taxe annuelle sur les organismes de placement collectif de 0,0925 % (la « taxe d’abonnement »). Puisqu’un ELTIF peut également créer des classes d’actions, une classe d’actions distincte peut également être prévue pour les investisseurs institutionnels et professionnels, pour lesquels cette taxe d’abonnement peut ainsi être réduite à 0,01%.

Enfin, le législateur belge a profité de l’occasion pour autoriser le Roi à établir par Arrêté royal un cadre comptable spécifique pour les ELTIF.

A ce jour, il n’y a pas eu de publication officielle de la loi contenant des dispositions fiscales diverses, qui consacrera les aspects fiscaux de l’ELTIF dans la loi. Comme le texte a été adopté en séance plénière le 13 janvier 2022, on peut s’attendre à la publication et donc à l’entrée en vigueur de ce cadre juridique fiscal très prochainement.

 

Avec l’ELTIF, le législateur belge a souhaité à juste titre promouvoir les investissements à long terme et a donc prévu pour cela un régime fiscal très intéressant.

Naturellement, nous sommes toujours prêts à vous aider pour lancer ce nouveau fonds d’investissement.

 

Dirk Coveliers - Counsel (dirk.coveliers@tiberghien.com)

Yannick Cools - Associate (yannick.cools@tiberghien.com)

Gauthier Bonte - Associate (gauthier.bonte@tiberghien.com)