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mercredi, 22 décembre 2021

MISE À JOUR - VVPRbis: “the rules of the game change as you play”

Mise à jour 14/01/2022: Les modifications du régime VVPRbis ont entretemps été adoptées en séance plénière de la Chambre le 13 janvier. Entre autres, le point de départ du délai d'attente ne sera pas modifié sur la base du texte final (cela restera donc le moment de l’apport et non celui de la libération). Le dispositif transitoire (la possibilité de régularisation) pour les entreprises qui ont décidé entre le 1er  mai 2019 et le 15 décembre 2021 d'une exemption de l'obligation de libération sera maintenu.  Un autre point important concernant cette possibilité de régularisation est que le "rapport de deuxième lecture au nom de la Commission des finances et du budget" confirme explicitement que l'application de cette possibilité de régularisation ne crée pas de nouveau délai d'attente (doc. 55, 2351/007, p. 16 et 17). En outre, quelques ajustements, principalement "cosmétiques", ont été apportés aux versions précédentes.

Mise à jour 23/12/2021: Nous avons été informés que le vote sur l'amendement au projet de loi contenant des dispositions diverses, commenté ci-dessous, serait reporté au-delà de la fin de cette année. Selon notre compréhension, l'intention serait de ne pas modifier l'entrée en vigueur, et la « possibilité de régularisation » (pour les sociétés qui ont décidé d’une dispense de libération au cours de la période comprise entre le 1er  mai 2019 et le 15 décembre 2021) serait maintenue.

Une récente initiative législative vise à apporter un certain nombre de changements substantiels au régime VVPRbis pour les dividendes (voyez ici pour le document sur le site internet de la Chambre). Les modifications prévues semblent avoir des conséquences importantes pour de nombreux contribuables. La nouvelle modification législative s'appliquerait aux dividendes payés ou attribués à partir du 1er janvier 2022.

Problématique

Les dividendes versés par une société sont en principe soumis à précompte mobilier de 30%. Toutefois, le régime VVPRbis prévoit, sous certaines conditions, un précompte mobilier réduit pour les dividendes versés par les PME au titre des nouvelles actions émises à la suite de nouveaux apports en numéraire effectués après le 1er juillet 2013. Pour bénéficier de la réduction du précompte mobilier, il est nécessaire que l'apport / le capital soit entièrement libéré antérieurement à la distribution du dividende. Dans ce contexte, le terme « antérieurement » peut être interprété littéralement : un paiement intégral immédiatement avant la distribution des dividendes est suffisant (tant les travaux parlementaires que le Service des Décisions anticipées confirment cette approche dans le cadre de la législation actuelle).

Suite à la suppression de l'exigence de capital minimum pour (entre autres) les SRL dans le nouveau droit des sociétés, l'exigence de capital minimum pour l'application du régime VVPRbis a également été supprimée. À la suite de ces changements législatifs, il est devenu courant que les S(P)RL existantes (constituées après le 1er juillet 2013 et avant le 1er mai 2019), dont l’apport (anciennement le capital) n'avait été que partiellement libéré, réduisent cet apport à un minimum (par exemple 1 EUR) en combinant (i) un remboursement aux actionnaires des fonds apportés et (ii) une dispense de l'obligation de libération. 

La question s'est posée de savoir si ces sociétés (dans lesquelles une exemption de l'obligation de libération a été décidée) pouvaient encore bénéficier du régime VVPRbis, étant donné que l'apport initialement souscrit à ces sociétés ne serait, selon une certaine interprétation du texte légal applicable (article 269, §2 WIB92), jamais entièrement libéré, et ne pourrait jamais l'être à nouveau en raison de la dispense de libération. Toutefois, le Service des Décisions anticipées a récemment confirmé que la dispense de libération n'empêchait pas de continuer à bénéficier du régime VVPRbis. Suivant cette pratique de ruling, de nombreuses entreprises ont donc décidé « en toute tranquillité » de réduire l’apport au moyen d'une dispense de libération... 

Exemption de libération : pas de précompte mobilier réduit ?

Selon les dires, certaines voix au sein de l'administration fiscale se seraient élevées contre la position susmentionnée du Service des Décisions anticipées. Selon ces voix, les entreprises qui ont opté pour une dispense de libération se placeraient, par cette décision, définitivement en dehors du champ d'application du régime VVPRbis, car l’apport initialement souscrit dans le chef de ces entreprises ne serait jamais intégralement libéré.

L'initiative législative actuellement en cours inscrirait cette position dans le texte légal : il serait ainsi précisé que l’apport initialement souscrit doit être entièrement libéré pour bénéficier du régime VVPRbis.

Afin d'alléger la charge des sociétés qui, entretemps, ont décidé de bonne foi d’une dispense de libération, une « possibilité de régularisation » temporaire serait prévue : les distributions de dividendes par ces sociétés pourraient encore bénéficier du régime VVPRbis, dans la mesure où l’apport libéré dans ces sociétés est ramené au niveau antérieur à la décision de réduire cet apport libéré (via une dispense de libération) sans émettre de nouvelles actions, et également dans la mesure où cet apport est effectivement libéré. Tant l'augmentation d’apport ou de capital que le paiement doivent avoir lieu au plus tard le 31 décembre 2022.

Pour (re)bénéficier à l'avenir des taux réduits du régime VVPRbis, ces sociétés devront donc (re)passer chez le notaire avant le 31 décembre 2022 pour une augmentation de leur apport ou capital (pour le SRL, article 5:120 du Code des sociétés et associations).

Le début de la période d'attente ne sera (finalement) pas plus strict

Dans le régime actuel, le paiement intégral des apports en numéraires doit être effectué au plus tard au moment de la mise en paiement ou de l'attribution des dividendes. Le point de départ du délai de carence pour le précompte mobilier réduit est le moment de l’apport :

  • Bénéficient du taux de 20% : les distributions provenant de la répartition des bénéfices du deuxième exercice comptable qui suit celui de l’apport.
  • Bénéficient du taux de 15% : les distributions provenant de la répartition des bénéfices du troisième exercice comptable qui suit celui de l’apport, ou des exercices suivants.

Initialement, le gouvernement voulait utiliser la modification susmentionnée concernant la libération intégrale de l’apport initialement souscrit pour restreindre considérablement le moment où commence le délai d'attente pour l'application des taux réduits, en permettant que le délai d'attente ne commence qu'à partir du moment où l’apport est entièrement libéré. En partie à cause des remarques que nous avons formulées sur cette restriction et des remarques du Conseil d'État, cette restriction a finalement été exclue de la version la plus récente de l'amendement du gouvernement.

Il n'est donc plus question (pour l'instant) de modifier la période d’attente. Le point de départ du délai d'attente semble rester le moment de l’apport et non le moment de la libération intégrale.

Il convient de noter qu'il n'est pas clair à l'heure actuelle quand commencera la période d'attente pour les sociétés qui étaient auparavant dispensées de libérer la totalité du capital et qui, conformément à la modification législative, voudraient faire usage de la « possibilité de régularisation » décrite ci-avant. Cela sera-t-il le cas au moment de l'apport complémentaire/de l'augmentation de capital prévu dans le cadre de cette possibilité de régularisation, ou le délai d'attente sera-t-il réputé avoir commencé au moment de l'apport initial (étant alors fait abstraction de la dispense de libération et de l'apport complémentaire/l'augmentation de capital ultérieur(e) ; cette dernière possibilité nous paraissant la plus logique). Étant donné que les contribuables concernés ont agi en toute bonne foi, il nous semble tout-à-fait raisonnable qu'ils ne soient pas (en plus) pénalisés par l'ouverture d'un nouveau délai d'attente.

Interdiction des actions de préférence

Dans le régime actuel, aucune action de préférence ne peut être émise lors d'un apport ou d'une augmentation de capital pour l'application du régime VVPRbis. Cependant, le concept d'actions de préférence n'est pas clairement défini dans la pratique. La récente initiative législative apporterait la clarification nécessaire en remplaçant l'interdiction d'émettre des actions préférentielles par une interdiction d'attacher un « droit préférentiel » aux actions « en matière de participation au capital ou aux bénéfices ou en matière de répartition de l’avoir social ».

Contrairement à ce qu'a déclaré le ministre des finances en réponse à une récente question parlementaire (question n° 597 du 2 septembre 2021 de M. Leysen), les actions avec des droits de vote préférentiels ne semblent pas être visées. L'amendement montre que seules sont exclues les actions qui ont un droit préférentiel en matière de participation au capital ou aux bénéfices ou en matière de distribution des actifs.

Réserve de liquidation

Selon la législation actuelle, il est prévu que les sommes provenant d'une réduction de capital organisée à partir du 1er mai 2013 et qui sont investies dans une augmentation de l'apport ou du capital d'une autre société ne peuvent pas bénéficier des taux réduits. Le nouveau texte législatif prévoit que les sommes provenant de la distribution d'une réserve de liquidation par une autre société ne peuvent pas non plus être utilisées pour la création de « capital VVPRbis ».

La question se pose de savoir comment ce changement doit être appliqué dans la pratique. Prenons l'exemple d'un actionnaire qui reçoit une distribution provenant de la réserve de liquidation de sa société d'exploitation A au cours de l'année X. La même personne crée une nouvelle société B au cours de l'année X+2 pour développer une activité différente. La question se pose alors de savoir comment la (contre)preuve sera apportée que les fonds proviennent ou non des réserves de liquidation précédemment distribuées. Si cet amendement devait effectivement être inclus dans le texte législatif, il nous semble qu'il ouvrirait la porte à des discussions sans fin avec les autorités fiscales sur la question de l'origine du capital apporté (souvent seulement 1 EUR (!)).

Entrée en vigueur

Les nouvelles règles s'appliqueraient aux dividendes attribués ou mis en paiement à partir du 1er janvier 2022, à condition que l'initiative législative actuelle soit encore effectivement approuvée par le Parlement.

Conclusion

Cette nouvelle initiative législative semble ajouter de la complexité au régime déjà complexe du VVPRbis et n'est, dans la version actuelle, pas toujours cohérente en ce qui concerne les concepts et références utilisés. En outre, dans sa forme actuelle, cette initiative n'élimine pas un certain nombre d'ambiguïtés existantes et d'éventuelles inégalités. Au contraire, il semble que l'initiative donnera lieu à d'éventuelles nouvelles inégalités et à de nouveaux points de discussion.

Enfin, il convient de noter que l'initiative législative décrite ci-dessus n'a pas encore fait l'objet d'un vote final et peut donc encore être sujette à des amendements.

 

Gilles Van Namen – Counsel (gilles.vannamen@tiberghien.com)

Mathieu Taverne – Senior Associate (mathieu.taverne@tiberghien.com)

Tayfun Anil – Associate (tayfun.anil@tiberghien.com)

Yoram Descheemaeker - Associate (yoram.descheemaeker@tiberghien.com)